Tournons la page ! L’église catholique congolaise réclame un soutien européen à la démocratie en Afrique

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Tournons la page !

L’église catholique congolaise réclame un soutien européen à la démocratie en Afrique

4 février 2015, Régis Marzin, pour Afrika Express

Article sur Afrika Express

Voir aussi l’interview de Mgr Fridolin Ambongo pour Afrika Express

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De gauche à droite, Abbé Santedi, Mgr Fridolin Ambongo, Père Antoine Sondag, Brice Mackosso, photo Régis Marzin.

Le 15 octobre 2014 était lancé l’appel « Tournons la page », début d’une campagne internationale pour l’alternance en Afrique. De nombreuses associations et personnalités, européennes et africaines, ont signés l’appel « En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance ! » et certaines se sont ensuite organisées autour d’un noyau d’ONG à Paris, en particulier le Secours Catholique, qui soutient fortement l’initiative en lien avec ses partenaires.

Voir l’article original 1 852 mots de plus

Revue de presse du 1er décembre 2014

L’actualité de la semaine dernière a été marquée par la tenue du XVème sommet de la Francophonie à Dakar et les déclarations de François Hollande au sujet des modifications constitutionnelles à des fins personnelles.

RETOUR SUR LE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE

Ce XVe sommet de la Francophonie est un tournant, parce que le nouveau secrétaire général de la Francophonie est une femme et une nord-américaine, mais surtout parce que pour la première fois, c’est le critère démocratique qui a prévalu dans ce choix. Un choix qui n’a pas plu à Denis Sassou Nguesso. Retour sur cette journée où Michaëlle Jean a été élue secrétaire générale de l’OIF.

Avant le début du sommet, François Hollande a fait une première allocution, relayée par les médias du monde entier. Il invitait les dirigeants africains à ne pas modifier leur constitution à des fins personnelles. « Quand on fait voter des peuples pour des Constitutions à travers des référendums, on ne peut pas les modifier impunément. Quand un chef d’Etat reste plusieurs mandats de suite, et qu’à un moment il est fixé une limite d’âge ou il est fixé un nombre de mandats qui ne peut pas être dépassé, il ne peut pas en être décidé autrement. C’est ce qui s’est passé au Burkina ».

Il a répondu aux critiques (notamment de la diplomatie rwandaise) : « Les principes, par définition, s’adressent à tous et pas à un pays en particulier », « la France n’est pas dans une posture de donner des leçons au nom de je ne sais quelle prétention ».

 
TOGO

A la suite du Burkina Faso et en marge du sommet de la Francophonie, Paris entend augmenter la pression sur Faure Gnassingbé. Pour cela, non seulement Hollande a changé une phrase dans son discours, mais il a rencontré le président togolais pour lui demander d’écouter « la voix de son peuple ». Au-delà de la lettre à Compaoré, le président français avait multiplié, en sourdine, des gestes pour dissuader l’ex homme fort de Ouagadougou de modifier la constitution. Idem pour Faure désormais.

L’avis d’Afrika Express.

 

RWANDA

Le discours de François Hollande n’a pas été du goût de tous, en particulier de la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. S’exprimant, sur France 24, elle a indiqué : « je trouve cela gênant qu’un président qui est avec ses pairs, ici, au sommet de la Francophonie, vienne pour ne pas discuter avec eux, mais pour dicter ce qui devait se passer dans leurs pays ; je trouve cela assez inélégant « . L’article complet ici.

Pour rappel, Paul Kagame fait partie de ces dirigeants qui sont susceptibles de modifier la Constitution de leur pays pour se maintenir au pouvoir.

La Constitution rwandaise prévoit clairement que : « Le président de la République est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». Pour plus de détails sur la situation politique au Rwanda, cliquez là.

Quoique pouvant facilement modifier la Constitution à cet effet, il semble que l’ancien seigneur de guerre penche plutôt au scénario « à la Poutine » pour donner le change à l’opinion internationale.

L’opinion d’Echos d’Afrique (2011).

 

GHANA – SOMMET DE LA CEDEAO

Prévu pour parler Ebola, le sommet d’Accra aura lieu sans l’un des principaux concernés, la Guinée. Et dans toutes les têtes, le Burkina Faso, avec le fantôme de Compaoré qui plane sur tous. La démocratie s’est invitée et le président du Ghana veut un « plan qui favorise les départs volontaires du pouvoir ». S’ils sont apparus insensibles à l’idée qui a fait long feu, tous y pensent en se rasant le matin depuis fin octobre.

L’article d’Afrika Express.

 

NAMIBIE

Si dans certains pays africains, les chefs d’État, une fois arrivés en fin mandat, tentent de toucher à la Constitution pour s’accrocher au pouvoir, Hifikepunye Pohamba, le président namibien, a choisi de se retirer. Sans jouer aux prolongations comme Sam Nujoma, son prédécesseur.

La suite de l’article par ici.

 

BURKINA FASO

Le président du Conseil National de Transition (CNT) a été élu. Il s’agit du journaliste Sheriff Sy.

Le Général Diendéré, « ombre de Compaoré », a été démis de ses fonctions.

Le premier ministre de la transition, le Colonel Zida, a annoncé l’ouverture du dossier Thomas Sankara, avec une éventuelle demande d’extradition de Blaise Compaoré du Maroc.

 

Revue de presse du 24 novembre 2014

BURKINA FASO

Le gouvernement de transition du Burkina Faso a annoncé sa composition dimanche après plusieurs jours d’intenses tractations. Les militaires occupent quatre portefeuilles, notamment ceux de la Défense et de l’Intérieur.

Le lieutenant-colonel Zida cumule les postes de Premier Ministre et de Ministre de la Défense.

Pour plus de détail, lisez cet article.

TOGO

Au Togo, la journée de vendredi dernier a été dominée par deux manifestations quasi simultanées à Lomé. D’un côté, le pouvoir, de l’autre l’opposition. Celle-ci défilait pour réclamer des réformes en vue des élections de 2015, dont une limitation du nombre de mandats afin que le président Faure Gnassingbé ne se représente plus.

Selon les participants, la marche a été dispersée violemment à coups de gaz lacrymogènes notamment. Deux personnes ont été gravement blessées. La manifestation de l’opposition a été dispersée par la police.

Plus d’informations ici.

L’Accord de Politique Globale signé en 2006 par le chef de l’Etat suite à son élection très controversée en 2005 prévoyait ces réformes, mais n’a jamais été appliqué, à cause d’un prétendu débat sur la rétroactivité qui permet au pouvoir en place de gagner du temps.

TCHAD

Manuel Valls au Tchad samedi dernier : « C’est important de dire combien le Tchad représente un facteur de stabilité et c’est ce facteur de stabilité que nous continuerons de soutenir ». Ou comment continuer à affirmer clairement le soutien à une dictature alors qu’ailleurs en Afrique les mouvements citoyens pour la démocratie se réveillent et prouvent que la présence d’un homme fort à la tête de l’Etat ne donne que l’illusion d’une stabilité. En alimentant le ressentiment d’une population qui ne profite pas des ressources de son pays, le maintien illégitime du président au pouvoir augmente le risque d’une rupture grave pour le pays.

BENIN

Le projet de loi portant révision de la Constitution qui avait été introduit sur la table des députés a été  définitivement retiré de l’Assemblée nationale béninoise après la chute du président  burkinabé Blaise Compaoré.

La suite par ici.

 
RDC

La chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso semble avoir refroidi à Kinshasa les partisans d’une révision constitutionnelle susceptible de permettre au président Joseph Kabila de rester en poste après 2016. Pour plusieurs diplomates et analystes, l’option désormais privilégiée pour permettre à M. Kabila d’effectuer un troisième mandat consiste à retarder au maximum l’échéance de la présidentielle censée avoir lieu en novembre 2016.

L’article de Jeune Afrique.

 

Revue de presse du 17 novembre 2014

Blaise Compaoré tombe, les autres dictateurs resserrent leur surveillance des médias et des opposants politiques.

 

BURKINA FASO

Après un report d’une journée en raison de problèmes techniques et logistiques, la charte de la transition a été signée ce dimanche 16 novembre à Ouagadougou, au Burkina Faso, par les forces de défense et de sécurité, les partis politiques, les autorités religieuses et la société civile. Tôt lundi matin, le diplomate de carrière Michel Kafando a été nommé président de la transition.

Suite de l’article et charte de la transition ici.

 

TCHAD

Les manifestations du mardi 11 novembre dernier, ont révélé à l’opinion publique internationale que le Tchad est un pays où la surveillance s’est accentuée au niveau de l’Internet et de la communication.

Après avoir réprimé par des moyens militaires, les populations qui manifestaient contre son pouvoir de plus en plus dénoncé, et pour empêcher à ce que les nouvelles concernant le Tchad, ne soient connues à l’étranger, le régime tchadien a décidé de nouveau, d’élever le niveau de contrôle d’Internet et de la communication dans le pays.

La France joue aussi un rôle.

Lire l’article.

 

GUINEE EQUATORIALE

La Guinée équatoriale a été choisie pour organiser la Coupe d’Afrique des Nations 2015 à la place du Maroc. Un petit rappel sur la situation politique du pays s’impose.

La Guinée équatoriale, dirigée depuis 1979 par le président Teodoro Obiang Nguema, a interdit à ses médias d’État d’évoquer la chute du président burkinabe Blaise Compaoré, chassé sous la pression de la rue après 27 ans de pouvoir, a-t-on appris auprès de journalistes.

L’article ici.

 

BURKINA FASO, RDC, CONGO, BURUNDI, même combat

Alors que des projets de réformes constitutionnelles sont en débat dans plusieurs pays africains, des opposants originaires de huit pays du continent se sont réunis vendredi à Paris pour signer une déclaration commune exigeant le respect des textes fondateurs.

L’article de RFI.

 

CONGO

Alors qu’ils étaient réunis au domicile de M. Mierassa, président du Parti Social Démocrate (PSD), pour une assemblée générale, plusieurs membres du Mouvement Citoyen pour le Respect de l’Ordre Constitutionnel ont été arrêtés le 4 novembre, par des éléments de la police nationale en uniforme et en tenue civile.

Violant le domicile de M. Mierassa, ceux-ci ont, selon nos informations, proféré des menaces à l’encontre de la foule avant de lancer des bombes lacrymogènes en direction des participants. A l’intérieur du domicile, les policiers ont porté des coups aux participants et ont détruit des biens mobiliers et immobiliers, jusque dans sa chambre, d’où ils auraient emporté des objets de valeur.

Trois jours après les faits, 24 des 35 des militants du Mouvement Citoyen pour le Respect de l’Ordre Constitutionnel sont toujours détenus à la Direction Générale de la Surveillance du Territoire, tandis que 11 ont été libérés hier, jeudi 6 novembre.

Source : communiqué de la FIDH

Burkina Faso : il est temps de « tourner la page »

Le 15 octobre, des associations, des syndicatsdes intellectuels et artistes d’une trentaine de pays, d’Afrique et d’ailleurs, lançaient dans plusieurs journaux d’Afrique et d’Europe un appel « Tournons la page » pour dire non aux « coups d’Etat constitutionnels » qui se profilaient en Afrique.

Au Burkina Faso, le gouvernement a fait la sourde oreille aux cris de son peuple. Alors que, depuis des mois, la population défile dans les rues, remplit les stades de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso…, pour demander le respect de la Constitution, le gouvernement a voulu passer en force en vue de réviser l’article 37 de la Constitution. Ce dernier empêchait le chef de l’Etat Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans, de se représenter.

L’exaspération des Burkinabès était palpable. La semaine dernière (communiqué du 22 oct.), les associations signataires de « Tournons la page ! » appelaient les dirigeants burkinabés à sortir par la grande porte, en se conformant à la Constitution et à la Charte de l’Union africaine[1]. Ces dirigeants portent aujourd’hui la lourde responsabilité des heurts et de la période d’instabilité qui pourrait s’ouvrir au « pays des hommes intègres ».

Dans les mois qui viennent, plusieurs autres dirigeants africains ont aussi « rendez-vous avec l’Histoire ». Ils seraient inspirés d’entendre les aspirations démocratiques de leur peuple et de renoncer à toute tentative de « coup d’Etat constitutionnel »

[1] « Les Etats parties conviennent que l’utilisation, entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriées de la part de l’Union : (5) Tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique. », article 23 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, signée le 30 janv. 2007 par les États membres de l’Union africaine.

Burkina Faso : les craintes d’un coup d’Etat constitutionnel se confirment

Le 15 octobre, des associations, des syndicats, des intellectuels et artistes d’une trentaine de pays, d’Afrique et d’ailleurs, lançaient dans plusieurs journaux d’Afrique et d’Europe un appel « Tournons la page » pour dire non aux « coups d’Etat constitutionnels » qui se profilaient en Afrique.

La situation du Burkina Faso confirme nos craintes. Alors que, depuis des mois, la population défile dans les rues, remplit les stades de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso…, pour demander le respect de la Constitution, le gouvernement du Burkina Faso a annoncé hier, mardi 21 octobre, la tenue d’un référendum en vue de réviser l’article 37 de la Constitution. Ce dernier empêchait le chef de l’Etat Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans, de se représenter. Le projet de loi portant sur la révision de la Constitution, adopté hier par le Conseil extraordinaire des ministres, sera soumis à l’Assemblée nationale en vue de la convocation du référendum.

Aussitôt après cette annonce, des milliers de Burkinabès sont descendus dans la rue et une quinzaine d’organisations [1] ont dénoncé « un attentat à la Constitution ». « Nous allons résister, nous allons nous opposer à  cette velléité par des actions pacifiques », a déclaré un porte-parole du mouvement Balai Citoyen.

Les associations signataires de « Tournons la page ! » appellent :

  • « à un large rassemblement pour tourner la page des régimes autoritaires et construire les conditions d’une véritable démocratie en Afrique ». Associations, syndicats, personnalités ou simples citoyens… peuvent nous rejoindre en signant l’appel.
  • Les médias internationaux à braquer leurs projecteurs sur la situation au Burkina Faso.
  • Les dirigeants burkinabés, qui « ont rendez-vous avec l’Histoire », à sortir par la grande porte, en se conformant à la Constitution et à la Charte de l’Union africaine [2].
  • Les dirigeants européens à faire des « coups d’Etat constitutionnels » une nouvelle ligne rouge de la diplomatie internationale et à ouvrir les portes de leurs ambassades aux militants de la démocratie. Obama s’est exprimé clairement à ce sujet [3]. L’Europe brille par son silence. Or elle « trahirait ses intérêts et ses valeurs à cautionner par son silence la perpétuation de régimes archaïques au sud du Sahara. »

 

 

 

[1] Dont : Collectif Anti Référendum (CAR), Réseau d’Action pour la Démocratie (RAD),  Balai Citoyen,  M21,   Délégués Cité universitaire John Kennedy, de la JEP, FOCAL,  Coordination de la Société civile pour l’alternance (COSCA), Mouvement ÇA SUFFIT, AEP,  Association Prendre son Envol  et du   Centre pour la gouvernance démocratique, le Front de résistance citoyenne, PPKLS.

[2] « Les Etats parties conviennent que l’utilisation, entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriées de la part de l’Union : (5) Tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique. », article 23 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, signée le 30 janv. 2007 par les États membres de l’Union africaine.

[3] Cf. son discours au Sommet US-Afrique d’août 2014, ou cette tribune de la Secrétaire d’Etat adjointe chargée des Affaires africaines.

En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance !

« L’Afrique continent de l’avenir ». Le slogan est devenu la tarte à la crème des chancelleries, des médias et des milieux économiques internationaux. Mais de l’avenir de qui parle-t-on ? Celui des investisseurs étrangers et de quelques familles dirigeantes ? L’économie internationale a besoin des richesses de l’Afrique, mais elle peut prospérer sans les Africains (plus de 2 milliards de personnes en 2050). Elle le fait d’autant plus facilement que leur parole est confisquée. L’avenir du continent n’appartiendra aux Africains qu’à condition d’une véritable démocratie. Or, pas plus qu’ailleurs, il n’est de démocratie en Afrique sans alternance.

Le pouvoir de père en fils

Les constitutions sont théoriquement les garantes de cette alternance. Fixer une limite au nombre de mandats présidentiels constitue en effet une saine mesure, adoptée par la majorité des pays africains. La disposition est parfois même inamovible. Ces précautions n’ont toutefois pas empêché nombre de chefs d’État de se maintenir au pouvoir, des décennies durant, par une violation répétée des principes démocratiques et dans l’indifférence générale des médias et de l’opinion publique internationale. Dans certains pays africains, de véritables dynasties se sont emparées du pouvoir transmis de père en fils. Douze familles aujourd’hui au pouvoir en Afrique l’étaient déjà en 1990. 87% des Gabonais et 79% des Togolais n’ont connu qu’une seule famille à la tête de l’État !

Ces régimes ne jouissent pas moins d’un soutien plus ou moins tacite des dirigeants des autres États. Ils ont réussi à asseoir une légitimité internationale, après la Guerre froide, par une subtile manipulation de la menace terroriste. Au Nord, tout se passe comme si la démocratie était un luxe que les pays d’Afrique ne pouvaient se payer. Il résulte de ces situations des conséquences mortifères pour les sociétés africaines. En témoignent les troubles politiques et militaires qui secouent certains pays. Les citoyens qui se mobilisent pour l’alternance et le respect des règles constitutionnelles et démocratiques paient un lourd tribut à la répression.
Le souffle démocratique n’est cependant pas près de s’estomper. Les tentatives de succession dynastique ont été mises en échec au Sénégal par les urnes, en Tunisie et en Égypte par les révolutions arabes. Et le cri « Y en a marre ! » venu de Dakar en 2012 résonne bien au-delà du Sénégal. Les rues de Maputo, Bujumbura, Libreville, Kampala, Ouagadougou ou Alger expriment une même aspiration à l’alternance. Un même refus du pouvoir dynastique.

La menace de coups d’État constitutionnels

Dans les années 1990, le vent de constitutionnalisme avait conduit de nombreux pays africains à limiter les mandats et à s’ouvrir au multipartisme. La mobilisation citoyenne interne fut décisive pour contraindre au changement les régimes autoritaires de l’époque, avec le soutien de forces démocratiques extérieures. Aujourd’hui est venu le temps d’une nouvelle alliance entre citoyens d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, pour une nouvelle étape : faire vivre l’alternance.

Le refus de toute manipulation constitutionnelle pour convenance personnelle en est la première pierre. Si, en soi, la révision d’une constitution n’est pas une pratique antidémocratique, sa transformation en instrument de perpétuation d’un pouvoir personnel est aux antipodes des attentes citoyennes et des valeurs affichées par la communauté internationale en termes de promotion de l’État de droit. L’invocation de la stabilité politique et l’artifice de la lutte contre la menace terroriste ne doivent pas faire illusion. Partout dans le monde, l’expérience a montré que le respect des règles démocratiques constitue le meilleur antidote contre l’instabilité politique, les conflits armés et le terrorisme. C’est la solidité des institutions qui garantit la stabilité et non la pérennité du pouvoir personnel.

Or la menace d’un coup d’État constitutionnel se profile en 2015 au Burkina Faso avec Blaise Compaoré, en 2016 au Congo avec Denis Sassou Nguesso et en RDC avec Joseph Kabila, ou encore en 2017 au Rwanda avec Paul Kagamé. Au Togo la succession dynastique a déjà eu lieu en 2005 au prix d’un tripatouillage constitutionnel faisant 800 morts. L’héritier, au mépris du dialogue politique autour des réformes institutionnelles et des recommandations de la Commission Vérité Justice et Réconciliation, s’apprête à se porter candidat pour un troisième mandat.

Les dirigeants ont rendez-vous avec l’Histoire

Dans ces pays, les présidents et leur entourage posent des actes qui ne trompent personne sur leur volonté de se maintenir au pouvoir par une manipulation constitutionnelle. Par le passé, de nombreux chefs d’États africains se sont parjurés sur cette question : Gnassingbé Eyadema au Togo en 2002, Idriss Deby Itno au Tchad en 2005, Paul Biya au Cameroun en 2008, Ismaïl Omar Guelleh à Djibouti en 2010, ou Yoweri Museveni en Ouganda en 2010, Abdoulaye Wade au Sénégal en 2012. D’autres ont par contre fait le choix de l’alternance, à l’instar de Jerry Rawlings au Ghana, Mathieu Kérékou au Bénin, Pinto da Costa à Sâo Tomé e Principe, ou encore des présidents Aristides Pereira, Antonio Mascarenhas et Pedro Pires qui se sont succédé aux îles du Cap-Vert. Les dirigeants attirés par la tentation dynastique ont rendez-vous avec l’Histoire : en acceptant l’alternance, ils rendraient le pouvoir à son ultime dépositaire, le peuple, posant un dernier acte marqué du sceau de l’apaisement.

De son côté, l’absence de réaction de l’opinion internationale serait, pour les régimes africains concernés, un véritable blanc-seing pour imposer, y compris par la violence, une intolérable modification constitutionnelle pour se maintenir au pouvoir. Laisser l’un d’eux perpétrer ce parjure, c’est ouvrir la brèche qui les autorisera tous à s’y engouffrer. Mais l’effet domino peut jouer en sens inverse : après l’alternance sénégalaise en 2012, après le renoncement du président sortant au Mozambique début mars 2014, il est temps d’agir pour obtenir les conditions d’une alternance ailleurs aussi, à commencer par le Burkina, le Burundi et le Togo. Et dans bien d’autres pays, où la mobilisation se cristallise sur des enjeux autres que constitutionnels (l’usage de la biométrie, la liberté de manifestation, l’indépendance des commissions électorales…). L’Europe fut surprise par les révolutions arabes. Elle trahirait ses intérêts et ses valeurs à cautionner par son silence la perpétuation de régimes archaïques au sud du Sahara.

Donner un contenu à l’alternance

Pour que le mot alternance ait un sens, il s’agit aussi de lui donner un contenu. C’est bien sûr à chaque peuple qu’il revient de le définir suivant son histoire, sa culture et son imagination créatrice. Mais quelques mesures pourraient ancrer une véritable alternance porteuse de démocratie : transparence sur le budget de l’État, les contrats avec les multinationales et les recettes issues de l’exploitation des ressources naturelles ; respect des normes républicaines dans les nominations aux postes de commandement militaire et policier ; liberté d’opinion, de presse et de manifestation sans préalable autre que l’information de l’autorité administrative ; nomination des magistrats indépendamment du pouvoir politique…

Nous citoyens d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs, intellectuels, artistes, militants, journalistes, responsables religieux, associations, syndicats, appelons à un large rassemblement pour tourner la page des régimes autoritaires et construire les conditions d’une véritable démocratie en Afrique. Partageant les mêmes valeurs démocratiques et non-violentes, nous sommes déterminés à faire vivre les conditions d’une mobilisation citoyenne pour l’alternance démocratique, dans tous les pays d’Afrique subsaharienne. Il en va du devenir du continent africain.

Soutenir l’appel

Premiers signataires – personnalités

Pour son lancement le 15 octobre 2014, l’appel « Tournons la page ! » a été signé par plus de cent associations et syndicats  et par une cinquantaine d’intellectuels et artistes, d’Afrique, d’Europe et d’ailleurs. Il n’est pas trop tard pour les rejoindre !

1. Organisations de la société civile d’Afrique et d’Europe

2. Personnalités / intellectuels

Jean Baptiste Baderha, Journaliste, RDC

Bertrand Badie, Politologue, France

Richard Banégas, Politologue, France

Jean-François Bayart, Politologue, France

William Bourdon, Avocat, France

Sylvie Bukhari-de Pontual, Avocate et présidente de la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Fiacat), France

Monique Chemillier-Gendreau, Juriste et présidente d’honneur de l’Association européenne des juristes pour la démocratie et les droits de l’Homme dans le monde (AEJDH), France

Noam Chomsky, Linguiste et philosophe, Etats-Unis

John Christensen, Economiste, Royaume-Uni

Alex Cobham, Economiste, Royaume-Uni

Christophe Dabire, Philosophe, Burkina Faso

Miguel De Barros, Sociologue, Guinée-Bissau

Alain Deneault, essayiste, Canada

Thomas Deltombe, éditeur, France

Olivier De Schutter, Juriste, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Belgique

Djibril Diaw, Réalisateur et journaliste, Mauritanie

Mamadou Diouf-Mignane, Coordinateur du Forum social sénégalais, Sénégal

Jean-Pierre Dubois, Constitutionnaliste et président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, France

Vincent Foucher, Politologue, France

François Gèze, Editeur, France

Michel Griffon, économiste et agronome, France

Dieudonné Hamadi, Réalisateur, RDC

Eva Joly, eurodéputée, ex-présidente de la Commission Développement au Parlement européen, France

Robert Kabakela, Journaliste, RDC

Bob Kabamba, politologue, RDC / Belgique

Kasereka Kavwahirehi, philosophe, Canada / RDC

Toussaint Kafarhire Murhula sj, poète, RDC

Samska Lejah, artiste, Burkina Faso

Gustave Massiah, Ingénieur et économiste, France

Achille Mbembe, Historien, Cameroun

Ernest-Marie Mbonda, Philosophe, Cameroun

Jean Merckaert, Rédacteur en chef de la Revue Projet, France

Staaf Meyaa, Artiste, Gabon

Olivier Mongin, Philosophe, ancien directeur de la Revue Esprit, France

Edgar Morin, Philosophe et sociologue, France

Valentin-Yves Mudimbe, philosophe, écrivain, poète, RDC

Gilbert Mussumba, Président du Comité africain du scoutisme, Burundi

Youssou Ndour, chanteur, Sénégal

Maria Nowak, Présidente de l’ADIE, France

Jean-Pierre Olivier de Sardan, Anthropologue, Niger/France

Boukari Ouoba, journaliste, Burkina Faso

Cécile Renouard, Philosophe, religieuse de l’Assomption, France

Pierre Rosanvallon, Historien et sociologue, France

Pierre Sane, ancien secrétaire d’Amnesty International, Sénégal

Abderrahmane Sissako, Cinéaste, Mauritanie

Smockey, Artiste, Burkina Faso

Youba Sokona, Ancien directeur du Centre africain de politique climatique, Mali

Cheikh Tijaan Sow, Ecrivain, auteur compositeur, Sénégal/France

Moussa Sow, Anthropologue, Mali

Louis-George Tin, président du CRAN, France

Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, France

Chico Whitaker, cofondateur du Forum social mondial, membre de Justice et Paix Brésil, Brésil

Catherine Wihtol de Wenden, Politologue et sociologue, France

Patrice Yengo, Politologue et anthropologue, Congo Brazzaville

Arnaud Zacharie, économiste, Belgique

 

 

 

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